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La diffusion de pubs de l’Ademe montrant un « dévendeur » incitant à acheter moins a paru générer un débat sur la sobriété et le rôle du commerce dans la « transition écologique ». Un lobby commercial, la première ministre et le ministre de l’économie ont condamné la campagne, le ministre de l’écologie assume. Ce faux débat cache un impensé : il ne peut pas y avoir d’écologie publicitaire.
Poubelle jaune, poubelle verte, poubelle bleue… À grand renfort de sermons, on nous chante les louanges d’une « citoyenneté moderne » associée à un geste : le tri des déchets, considéré comme la garantie de sauver une planète dégradée de toutes parts. C’est peut-être se méprendre sur la logique qui sous-tend cette injonction à l’« écoresponsabilité » des consommateurs.
Cela fait maintenant quelques temps que la youtubeuse Marie Lopez —alias Enjoyphoenix— développe une certaine conscience écologiste, ce qui est à saluer pour une personne aussi influente qui évolue dans des milieux particulièrement consuméristes. [...] Pour autant, certains points de son discours sont critiquables, et récemment, Marie a fait une vidéo « Une journée avec » … Brune Poirson, secrétaire d’état au ministère de la « transition écologique et solidaire ».
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Se concentrer sur les choix de consommation en revient à chercher le moins pire sans remettre en question l’essentiel.
Une vidéo créée à partir d'un texte de Derrick Jensen, à lire ici en français:
On me demande de trier ce que l’on me force à acheter emballé.
On me demande d’acheter des ampoules basse consommation et d’éteindre ces ampoules qui ne consomment rien alors que je vois fleurir partout des écrans publicitaires lumineux, qui fonctionnent 24h/24 et consomment autant qu’une famille.
On m’interdit le glyphosate pour ma cour alors que des millions d’hectares en sont aspergés sur ma nourriture.
On met au rencard ma voiture fonctionnelle pour bosser parce qu’elle pollue un peu trop mais on agrandit les aéroports.
On me demande de consommer local et sain tout en signant des traités qui permettent l’importation massive de denrées de mauvaise qualité à bas coût qui envahiront les étals et les plats des cantines de mes enfants.
On me demande d’arrêter de boire de l’eau en bouteille mais l’eau à mon robinet est polluée, et Nestlé peut légalement assoiffer Vittel.
On me demande de limiter mes déplacements quand l’air est irrespirable, mais on autorise encore ce qui le sature de poisons.
On me demande d’arrêter le feu de bois pour ne plus émettre de particules fines, mais je vois passer des avions pleins de touristes survoler des champs recevant des engrais volatils.
On augmente le prix de mon carburant qui me sert à travailler ou déplacer mes enfants dont l’école est lointaine, mais les bateaux qui amènent les biens inutiles depuis la Chine le font avec un carburant détaxé en polluant à chaque voyage autant que le parc automobile mondial.
On me demande de comprendre qu’il est normal d’attendre aux urgences des infirmiers et médecins épuisés et rares car on n’a plus d’argent, et l’on déploie des forces de polices inouïes qui coûtent des millions pour juguler toute contestation sociale.
On me dit de ne pas boire trop d’alcool et de ne pas fumer parce que c’est cancérigène, mais on me vend encore alcool et cigarettes en prélevant des taxes dessus.
On me dit que je coûte trop cher à l’État quand je suis malade d’un cancer, mais on installe la 5 G, on n’a pas encore fait la liste des produits émis par l’industrie, on n’a pas encore testé la nocivité de 90% des ingrédients des produits ménagers et cosmétiques du quotidien.
On m’interdit de manger le poisson de la Seine parce qu’il est dangereusement pollué aux PCB, mais on vend partout celui pêché à son estuaire, où les mêmes polluants sont bien plus concentrés.
On me dit que mon élevage est non conforme aux normes de bien-être animal , alors qu’on m’a subventionné pour le construire ainsi et que je suis endetté pour une vie de l’avoir ainsi réalisé, conformément aux souhaits du législateur et de la chambre d’agriculture.
On m’accuse d’être un monstre parce que j’élève du bétail, mais on hurle dès qu’on coupe une haie ou que disparaît le bocage.
On me demande d’être à jour de mes cotisations sans retard, mais on en invente toujours plus, tout en rendant les aides auxquelles j’ai droit toujours plus difficiles à obtenir, en ne les distribuant qu’avec un retard parfois effarant.
On me demande de faire barrage à l’extrême-droite et de soutenir la démocratie, quand celle-ci tabasse ses manifestants et noie les migrants à ses frontières pour ne pas les voir arriver sur son sol.
On me demande d’obéir, alors que chaque jour je vois que les puissants ne le font pas.
On me demande de payer des impôts dont les plus grandes entreprises et ceux qui les détiennent parviennent à s’affranchir.
On demande à ma famille d’être un ensemble de consommateurs responsables, mais on l’assomme de messages publicitaires incessants pour l’inciter à acheter de la merde, des aliments mauvais, des marchandises inutiles ou destructrices.
On me demande d’être en règle sur tout, mais on m’a privé d’interlocuteurs en chair et en os pour y parvenir, en les remplaçant par des robots ou des algorithmes auxquels je ne comprends rien.
On me demande de vieillir sans emmerder personne et en continuant de consommer aussi tard que possible, mais on rend ma vieillesse terrible à force de dénuement, de peur d’un monde qui court et d’isolement.
On me demande d’être compétitif, mais on ne me dit pas en quoi j’en vivrai mieux, et je n’en profite pas.
On me demande de travailler à n’importe quel poste, pourvu que je puisse consommer, mais on ne punit pas les entreprises géantes qui détruisent les emplois tout en ayant touché aides et subventions, tout en ayant été affranchies des taxes locales que payent les petits entrepreneurs locaux qui, eux, créent plus d’emplois proportionnellement à leur chiffre d’affaires.Dès lors, pourquoi ferais-je un quelconque effort? Pourquoi changerais-je ma façon de faire tandis qu’on me méprise, qu’on ne m’écoute ni me comprend, tandis qu’on laisse faire à d’autres des choses dix fois pires que les pires que je pourrais commettre, et qu’on me rend la vie bien plus compliquée qu’à eux tout en continuant à les enrichir?
Peut-être par civisme, par conviction, par citoyenneté consciente.
Parce que je ne veux pas laisser le déchet d’une vie dégueulasse pour avenir à ceux qui me suivent.
Mais, nom de dieu, qu’il m’est insupportable de devoir tolérer que la rigueur et le civisme doivent être majoritairement supportés par le petit peuple, les classes moyennes et supérieures basses tandis que les tenants du reste de la puissance économique peuvent à ce point s’en affranchir.
Qu’on se nappe de jaune fluo, de vert ou de rien du tout, l’enjeu social actuel pour lequel nous nous battons est celui-ci : établir ou rétablir l’équité. Et notre société n’est actuellement équitable ni face aux services publics, ni face aux enjeux environnementaux.
Si l’on veut vraiment sauver le climat, il faut commencer par détruire le capitalisme. Non, il ne suffira pas, comme on voudrait nous le faire croire, de quelques efforts ici et là, de développer un peu les énergies renouvelables, pour empêcher le chaos climatique. La solution n’est pas technique, elle est politique et morale. Ce n’est pas de prouesses technologiques dont nous avons besoin, mais d’une révolution. D’une révolution politique et culturelle. Nous devons remettre en cause un système tout entier, celui du capitalisme. Nous devons remettre en cause ce capitalisme qui est non seulement un système économique mais aussi un système de valeurs, une vision du monde, un imaginaire. C’est le capitalisme qui, en subordonnant tout au profit, détruit le climat et l’environnement. C’est le capitalisme qui, en nous incitant à produire et consommer toujours plus, détruit le climat et l’environnement.