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Il y a deux mois, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement « censure antiterroriste ». Nous le dénoncions, expliquant que ce projet aura pour effet de détruire l'ensemble du Web décentralisé. Depuis, nous avons rencontré les ministères français en charge du dossier : nos craintes se sont amplifiées.
La France, avec le soutien de l'Allemagne et du Parlement européen, va tout faire pour empêcher un débat démocratique sur ce texte : le gouvernement n'en parle pas dans la presse, veut forcer son adoption urgente et invoque le secret-défense pour empêcher tout débat factuel.
Pourquoi tant de secret ? Probablement parce que ce texte, écrit en collaboration avec Google et Facebook, aura pour effet de soumettre l'ensemble du Web à ces derniers, à qui l'État abandonne tout son rôle de lutte contre les contenus terroristes. La collaboration annoncée lundi par Macron entre l'État et Facebook n'en est que le prémice, aussi sournois que révélateur.
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Quand nous avons dit aux ministères que leur texte détruirait l'ensemble du Web décentralisé, ne laissant qu'une poignée de géants en maîtres, on nous a laissé comprendre que, oui, justement, c'était bien le but.
Tranquillement, nos interlocuteurs nous ont expliqué que Google-Youtube et d'autres multinationales numériques avaient convaincu le gouvernement que la radicalisation terroriste était facilitée par les petites et moyennes plateformes, et qu'il fallait donc laisser la régulation du Web aux seuls géants prétendument capables de la gérer.
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Que ce soit clair : les arguments de Google et de Facebook visent simplement à détruire leurs concurrents. De fait, ce texte vise à faire disparaître les petites et moyennes plateformes, et à sous-traiter aux géants une censure massive et automatisée.
Emmanuel Macron a annoncé lundi, lors d’un discours au Forum sur la gouvernance de l’Internet, la création d’un groupe de travail composé d’employés de Facebook et de membres issus d’autorités françaises. Une première.
Attention, c’est du brutal. Algorithmes, la bombe à retardement (Novembre 2018, Les Arènes) nous plonge dans les cuisines peu ragoûtantes des fabricants d’algorithmes. L’auteure, Cathy O’Neil, est une mathématicienne américaine de haut vol passée de l’université aux banques puis aux analyses en big data avant de se reconvertir en lanceuse d’alerte. Elle pousse ici un cri d’alarme citoyen : nous ne pouvons pas rester spectateurs d’un monde où nous sommes de plus en plus tributaires d’outils conçus de façon opaque, utilisés à des fins commerciales ou sécuritaires et ayant pour conséquence d’exacerber les inégalités.
Ce qui frappe dans ce mouvement, c’est l’absence de chef, l’absence de structure formelle qui chapeaute la lutte, très loin de cette certitude bien ancrée qu'un mouvement de citoyens ne peut être que manipulé par des gens plus aguerris.
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Bien davantage que la «fachosphère», le carburant de cette mobilisation aura été le nouvel algorithme Facebook. Depuis un changement majeur effectué au début de l’année, le news feed survalorise les contenus issus des groupes au détriment des contenus des médias.
Facebook offre aux publicitaires des catégories d'utilisateurs, définies selon leurs centres d'intérêt. Parmi elles, les internautes croyant au « génocide blanc ».
Voté par le Sénat, un projet de loi de réforme pour la justice arrive devant l’Assemblée nationale. Pour garantir le secret des affaires, il remet en cause l’une des conquêtes de la Révolution française : la justice est rendue « au nom du peuple français » et ses audiences comme ses jugements sont publics. Autre mesure inquiétante : une anonymisation des magistrats.
Aux États-Unis et au Brésil, deux campagnes électorales, des colis piégés artisanaux et une tuerie antisémite ont tragiquement remis sur le devant de la scène la question de la régulation de ce qui s’écrit sur Internet. Alors que la France a toujours en préparation une loi « contre la manipulation de l’information », Mediapart a interrogé Luiz Fernando Marrey Moncau, coordinateur d’un atlas mondial de la législation sur les contenus.
Lutte contre le changement climatique, l’évasion fiscale ou encore l’accaparement des terres : autant de réformes censurées, vidées de leur substance ou avortées ces dernières années, suite à des avis et décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, rendus au nom de la défense des droits de propriété et de la liberté des entreprises. Les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales publient aujourd’hui un rapport d’enquête sur les coulisses de ces décisions et le lobbying qui s’exerce sur ces deux institutions en toute opacité : Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.
Les révélations des failles de sécurité touchant des services en ligne s’accumulent. Et la collecte de nos données fait peser un risque collectif d’envergure.
Le scrutin présidentiel brésilien est un exemple inédit de propagation de « fake news » et de propagande politique sur l’application de messagerie appartenant à Facebook.
Au Brésil, à quelques jours du second tour de l’élection présidentielle, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro dispose toujours dans les sondages d’une confortable avance (57 %), face à son adversaire de gauche Fernando Haddad (43 %). Mais la campagne électorale devient de plus en plus agressive et invasive : Jair Bolsonaro aurait bénéficié du soutien d'entreprises privées qui auraient financé l'envoi de centaines de milliers de messages de propagande, via la messagerie WhatsApp.
Le poids pris par Facebook, Twitter et les algorithmes de personnalisation renforcent des tendances déjà identifiées par la psychologie sociale, observent des chercheurs.
Une amende de 560.000 euros (£500.000). Voilà finalement ce que les autorités britanniques ont décidé d’infliger à Facebook suite au scandale Cambridge Analytica...
Alors que le ministère de l’Intérieur avait laissé entendre l’année dernière qu'il souhaitait interdire les machines à voter en France, un rapport présenté aujourd’hui au Sénat propose au contraire de lever les restrictions en vigueur. Sur la même longueur d'ondes, il est également préconisé de poursuivre les travaux concernant le vote par Internet.
Ils voulaient dénoncer que quasiment rien n’a été fait, dix ans après la crise financière, pour encadrer le pouvoir nocif de la finance. Dans la nuit du 13 au 14 septembre, huit militants de l’association Attac sont arrêtés alors qu’ils collent des stickers sur les vitrines de banques. Interpellés, ils sont placés en garde pendant plus de 15 heures dans des cellules surpeuplées. Alors que plus de 30 fonctionnaires de police et deux magistrats ont été mobilisés, Alexis Chaussalet revient sur sa garde à vue et s’interroge sur les ressources publiques utilisées pour tenter de dissuader les mobilisations citoyennes contre l’évasion fiscale.
C’est la première invocation officielle du « secret des affaires », adopté cet été par la majorité parlementaire malgré les critiques de la société civile. Cette invocation n’émane pas directement d’une entreprise privée mais d’une agence publique : l’Agence du médicament refuse de rendre publique l’autorisation de mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox fabriqué par le laboratoire Merck.
Assis devant son bureau, d’où il a une vue panoramique sur les toits de Paris, l’avocat Emmanuel Gaillard raconte : « 50 milliards de dollars sont le montant le plus élevé attribué jusqu’à présent par un tribunal d’arbitrage d’investissement international. » Et c’est lui, star du domaine, qui a fait gagner cette somme en 2014 aux ex-actionnaires de droit britannique du groupe pétrolier Ioukos, en dédommagement d’une expropriation de ses biens par les autorités russes [1].
Les groupes économiques les plus puissants abreuvent les Sages de notes et multiplient les rencontres pour protéger leurs intérêts. Une activité souterraine soumise à aucune règle.
Nous avons perdu la bataille contre les algorithmes en ce qui concerne la vie privée. Il faut aujourd'hui se battre pour limiter leur impact sur nos vies publiques et notre destin collectif.
Les eurodéputés votent mercredi 12 septembre une réforme sensée mieux rémunérer les créateurs de contenus sur internet, mais le principe de cette directive est contesté par plusieurs associations, dont la Quadrature du net, auprès de laquelle Arthur Messaud, invité sur franceinfo, est juriste.