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Même si l'exemple de Trump est sans doute le pire possible quand il s'agit de s'interroger sur la toute-puissance des réseaux sociaux face à la liberté d'expression, son éviction de pratiquement toutes les plateformes nous donne l'occasion d'élargir le débat bien au delà de sa très triste personne, et j'essaie dans ce qui suit d'en profiter pour proposer quelques pistes de réflexion.
Être un militant implique de répéter souvent la même chose à des gens différents, c'est très normal et très compréhensible. Je risque donc de me répéter un peu, dans ce qui suit. Mais est-ce c'est trop demander qu'après 25 ans de débat public sur la « haine en ligne », on puisse trouver autre chose que la responsabilisation des intermédiaires pour limiter les dérives ?
Si la médecine a retenu (entre autres) d'Hippocrate son fameux « primum non nocere », on peut regretter que le politique n'ait pas, lui aussi, appris ce principe de prudence abstentionniste, et que trop souvent il use du mantra inverse : « Il faut faire quelque chose ».
« Il est évidemment plus qu’urgent de réguler les GAFAM pour leur imposer l’interopérabilité. » écrit Laurent Chemla. Diable, il n’y va pas de main morte, le « précurseur dans le domaine d’Internet » selon sa page Wikipédia.
Nous reproduisons ici avec son accord l’article qu’il vient de publier sur son blog parce qu’il nous paraît tout à fait intéressant et qu’il est susceptible de provoquer le débat : d’aucuns trouveront sa proposition nécessaire pour franchir une étape dans la lutte contre des Léviathans numériques et le consentement à la captivité. D’autres estimeront peut-être que sa conception a de bien faibles chances de se concrétiser : est-il encore temps de réguler les Gafam ?
Nous souhaitons que s’ouvre ici (ou sur son blog bien sûr) la discussion. Comme toujours sur le Framablog, les commentaires sont ouverts mais modérés.
« Interopérabilité » : ce mot m’ennuie. Il est moche, et beaucoup trop long.
Pourtant il est la source même d’Internet. Quasiment sa définition, au moins sémantique puisqu’il s’agit de faire dialoguer entre eux des systèmes d’information d’origines variées mais partageant au sein d’un unique réseau de réseaux la même « lingua franca » : TCP/IP et sa cohorte de services (ftp, http, smtp et tant d’autres) définis par des standards communs. Des machines « intéropérables », donc.
Pour avancer encore dans nos discussions sur le statut des hébergeurs et la régulation d'Internet, nous partageons aujourd'hui une tribune de Laurent Chemla, membre de La Quadrature du Net.
"Le décalage au sein de notre société en transition est saisissant : « tout se passe comme si nous avions d’une part une population tournée vers l’avenir, imaginant une démocratie modernisée, une économie collaborative, sociale et solidaire, s’adaptant aux nouveautés numériques, (…) et d’autre part une classe politique résolument tournée vers un passé archaïque, rêvant d’uniformes scolaires, de morale à l’école, d’interdiction du mariage pour tous, et d’un paternalisme assis sur le cumul des mandats, le copinage et la corruption.»"
"Ce n'est pas un scoop: j'ai participé, à ma mesure, à la lutte contre la loi scélérate sur le renseignement. Ce n'est pas une surprise: j'ai été plus que déçu par la décision rendue par le Conseil Constitutionnel à son sujet. Mais ce n'est pas l'objet du présent billet. Avec le recul, il semble évident que nous (les opposants à cette loi) n'avons pas su nous faire comprendre du grand public. Le texte était complexe, ses enjeux très techniques ou très philosophiques, et nous avons choisi de les expliquer: c'était sans doute une erreur."
"Le projet CaliOpen annonce son départ de France suite au vote de la loi sur le renseignement par le parlement et sa validation par le Conseil constitutionnel. Le nouveau pays d'accueil de l'initiative devrait être le Luxembourg."
"La solution de messagerie sécurisée CaliOpen, qui a fait de la vie privée son moteur principal, a décidé de déménager. La cause ? Le vote de la loi Renseignement par le Parlement et sa validation quasi intégrale par le Conseil constitutionnel."
"Le projet Caliopen, qui est logiciel libre destiné à centraliser sa communication électronique sur une même plateforme, progresse. Une version alpha de l'application est attendue pour la fin du mois de mai."
"Relancé en août 2013 par l’informaticien Laurent Chemla, le projet Caliop (devenu entre temps CaliOpen) avance. L’équipe de développement prévoit de produire une version « alpha » de cette solution de messagerie électronique axée sur la protection de la vie privée des utilisateurs pour la fin mai."
"Quand on est, comme moi, un vieil activiste désabusé, il y a des lieux et des moments où on s’attend à déposer les armes.
Se reposer l’esprit en assistant à un débat réunissant des gens qui partagent nos idées. Écouter tranquillement sans avoir à repérer les pièges et les non-dits. Lâcher prise.
Et puis, paf le chien.
La question – l’éternelle question quand on parle de défense de la vie privée – était « mais que dire à ceux qui n’ont rien à cacher ? ».
La réponse m’a laissé sur ma faim."
"A la suite de l'arrêt de Lavabit et Silent Circle, intervenu à la suite des révélations de l'affaire Prism, le cofondateur du bureau d'enregistrement français Gandi veut combler le vide créé par cette interruption et relance son projet Caliop."
"Conçu en pleine période Flower Power par des barbus libertaires, Internet n'a jamais perdu – malgré les tentatives de récupération politiques et commerciales – son esprit profondément lié au partage. Cette prise de conscience doit perdurer et produire un acte de résistance face à la tentative forcenée de nivellement du monde par les inconscients qui nous gouvernent.
[...]
En parallèle, et parce que la technologie transforme l’utilisateur en simple client, les services se centralisent. Ils deviennent ce qu’on appelle “des géants du Web” alors même que par principe dans un réseau de pair à pair ces termes devraient être antinomiques."